Si ce roman norvégien, paru en 1894, nous séduit et nous touche, c'est parce qu'il nous transporte dans des terres inconnues de nous, plus tournés que nous sommes vers la Méditerranée : le Grand Nord, les Îles Lofoten, cette nature rude et sauvage, magnifique et préservée...... Le lieutenant Thomas Gahn s'est retiré loin du monde et du bruit, sur les hauteurs dominant un bourg côtier (Sirilund, en plein Nordland, lieu fictif vraisemblablement inspiré par Bodo) où il ne redescend que pour le pain et les réparations chez le forgeron. Il vit à la lisière de la forêt, de chasse et de pêche, seul avec son chien.Deux femmes de conditions sociales très différentes, vont venir perturber sa solitude. La première, pour laquelle il ressentira une véritable passion, finira par rompre, lassée de ses inconvenances et de ses sempiternelles bévues dans le monde bourgeois où elle veut l'introduire. La seconde lui vouera au contraire un amour inconditionnel , qui connaîtra une fin tragique.On retrouve le lieutenant plus tard, aux Indes où il a fui. Là encore une femme, une jolie tamoule, viendra troubler une existence qu'il voulait consacrer à la chasse au tigre. C'est là, finalement, qu'il trouvera l'échappatoire définitive à son inaptitude à la vie.Ce roman norvégien accroche notre intérêt car on sent bien que l'auteur exprime ici ses propres émotions, ses idées sur la société de son époque, ses aspirations personnelles : vivre libre au contact de l'immense divinité qui règne sur le monde, la Nature, c'est-à-dire le Grand Pan de la mythologie grecque, divinité amorale et présente partout dans sa pureté originelle, loin des rites sociaux absurdes et des conspirations jalouses. "J'appartiens à la terre et à la forêt dans toutes mes racines" dit-il. S'il nous touche, c'est parce qu'il est prêt à supporter la contrepartie de sa liberté, à savoir la solitude, le dénuement, et le sacrifice de l'amour."Un merci, pour la nuit solitaire, pour les montagnes, les ténèbres et le mugissement de la mer qui rugit à travers mon coeur. Un merci, pour ma vie, mon souffle, pour la faveur de vivre cette nuit : de tout celà je remercie du fond de mon coeur! Ecoute à l'est et écoute à l'ouest, oh! écoute. C'est le Dieu éternel! Ce silence qui murmure contre mon oreille, c'est le sang de la Toute-Nature qui bouillonne, c'est Dieu qui tisse une trame entre le monde et moi..... Oh! par mon âme immortelle, je rends toutes grâces aussi de ce que c'est moi qui suis ici!..... Je regarde autour de moi et ne vois personne. Le vent m'appelle et mon âme s'incline , consentante, vers cet appel, et je me sens enlevé, arraché de ma cohésion; attiré sur une poitrine invisible . Mes yeux s'embuent , je frissonne..... Dieu est quelque part dans le voisinage, et me regarde.....".Oublions que Knut Hansum a dédié son prix Nobel de Littérature à Goebbels, et laissons nous emporter par son lyrisme......